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Quand on franchit une frontière, on est happé dans un nouvel univers. Pour découvrir certains pays et apprendre à les aimer, il faut d’abord s’y brûler les ailes. Il faut se laisser bousculer, heurter, repousser, envahir. Il faut sentir ses défenses se débattre et puis abandonner, et se laisser dévorer. Il faut verser quelques larmes de rage sur des batailles sans pronostic de victoire. Il faut abandonner sur les bords de route ses dus et les arcanes de sa logique. Il faut débrailler ses costumes et aller se rhabiller. Il faut dégrossir ses sens et les rééduquer. Passer au rouleau compresseur et prendre forme nouvelle. Sans quoi, enfoui sous les sursauts de protection et les structures de défense, l’amour de ces pays-là ne serajamais accessible. Le Vietnam est de ces pays, brusque, brut.

 

Dimanche, Tanh Hoa, le bus nous jette sur la terre vietnamienne. (Finis les chaotiques bus laotiens, bienvenue dans les bus vietnamiens qui te poussent dehors avec tes affaires sur le dos, dans les pieds, sympa ;-) Première étape, une nuit de passage dans une ville normale sans touristes. Juste le temps de remarquer les pattes de chien dans les plats, le trafic qui s’intensifie, le concert des klaxons à son paroxysme. Et des sourires rieurs, des rires railleurs, des hello très appuyés.

(Petit détail : je croyais avoir découvert les toilettes les plus trash en Chine... et bien non! ;-) 

3 décembre - Immersion dans l'univers Vietnam

Lundi, Ninh Binh, bref stop avant Hanoï pour une merveille naturelle : les grottes de Trang An. Mais d'abord, avides de découvertes, on traîne nos pattes dans Ninh Binh, petite ville pas jolie traversée par une rivière canalisée. Bonne idée les arbres le long de l’eau, moins bien tous les déchets qui jonchent leurs bases. Depuis quelques mois, on s’habitue à la crasse omniprésente. Sous tes pieds au resto, sous tes pieds dans la rue, sous tes yeux partout. Et quand tu cherches une poubelle là par contre… ? Il semblerait que la faute ne soit pas aux mauvaises habitudes mais bien aux mauvaises matières. Avant, les gens d'ici jetaient tout par terre, mais ce qu’ils jetaient était dégradable. Avec l’arrivée du plastique,… Malgré tout, le premier bain vietnamien est riche. On se laisse bousculer par les coutumes locales comme les « hey you » bien sentis avec le geste « viens » tourné vers le bas qui, chez nous, passerait pour une agression non dissimulée. On se régale du contact facile et du tempérament joyeux des premiers visages locaux. Nos yeux se délectent d’images inédites : les chapeaux coniques, les faux casques de guerre, les bicyclettes chargées de fleurs, de fruits, les buffles musculeux… Sous la fenêtre de notre chambre, se joue le spectacle d’un petit marché vietnamien (âmes sensibles, s'abstenir) : des poulets aux 4 fers en l’air attendent acquéreur pendant que leurs collègues se font vider de l’intérieur, des poissons assommés à la masse expulsent leur dernier sursaut pendant qu’on leur découpe le ventre, tandis qu’une tête de chien bien cuite exhibe ses canines sur un étal, tout ça sur fond de hurlement d'une poule en phase de décapitation au petit couteau, ça ouvre l’appétit tout ça !

Mais ce n'est pas parce que ça bouscule que ce n'est pas passionnant, au contraire...

 

Et dès le lendemain, nos yeux vont faire le plein de superbe et d’harmonie ! Tout près de Ninh Binh se trouve la Baie d’Halong terrestre. Après avoir déjoué les manipulations touristiques et payé 30% du prix annoncé pour rejoindre le site (héhé, on développe de nouvelles compétences avec l’expérience !), nous voilà partis pour une balade en barque dans un monde merveilleux ! La barque glisse en silence et en douceur sur des eaux plus transparentes que le verre. Des poissons et des algues se balancent sous l’embarcation. Autour de nous, des pics de roche karstique aux découpes singulières paradent tout en puissance. A chaque détour, une vue nouvelle, encore plus magnifique nous offre ses atours généreux. Tout à coup la barque se dirige droit vers un pic semblant viser un minuscule trou à la base de l’eau ! Recroquevillés sur notre banquette de bois, on observe avec émerveillement ces grottes superbes lovées entre les masses rocheuses et aquatiques. On s’imagine en explorateurs découvrant ces merveilles avec autant d’appréhension que d’excitation ! Assis derrière nous, Tjien, vietnamien hanoien ayant étudié à Londres, nous fait la conversation. Chouette, un vietnamien qui parle anglais, on en profite pour soutirer des infos ;-) ! On quitte Trang An, la tête dans les nuages, s’imaginant déjà retourner à l’état sauvage pour vivre dans ces paysages aussi fabuleux qu'inhospitaliers !

Demain, direction Hanoi !

 

On ne compte plus nos expériences folkloriques de voyages en bus publics mais celui qui nous amène à Ninh Binh (étape vers Hué), atteint les limites de ce qu’on a envie d’expérimenter. Chauffeur & accompagnateurs super agressifs, entassement humain sans tenir compte des rhumatismes d’un vieux monsieur, des vomissements d’une jeune fille… Pour rejoindre Hué, tant pis on casse la tirelire, ce sera le train ! Après une nuit en mouvement relativement confortable, on trouve un hôtel à tout petit prix avec balcon privatif, grand luxe! On profite de la vue : le passage dans la ruelle, le quotidien des vietnamiens, le livreur de banh mi (pain)… Le grand marché est éblouissant, de couleurs, de formes, d’odeurs ! On en profite pour faire une dégustation de fruits tropicaux.

12 décembre – Hué, les mystères d'une ville impériale

Jeudi, visite de la cité impériale de la dynastie N’Guyen, derniers rois du Vietnam. Le site, largement bombardé pendant la guerre, se partage entre ruines et palais superbes. Ici, règne une paix mélancolique. Comme si le temps avait emporté les colères et les rebellions pour ne laisser que la résignation. Peu de touristes, nous profitons donc tranquillement de la beauté et de la sérénité des lieux à travers les palais, les portes et les pavillons. Vendredi, visite guidée de plusieurs tombeaux impériaux. Celui du roi Tuc Duc nous touche particulièrement. Il amasse les déceptions : c’est lui qui a perdu le pouvoir au profit des français, des suites d’une vérole il n’a pas eu de descendants, son frère fut assassiné parce qu'il briguait le trône… Le guide conte l’histoire envoutante de ce roi triste. Puis, il nous parle des puppet-kings, autrement dit les rois marionnettes manipulés par les Français à partir des temps coloniaux. Quelquefois derrière son visage impassible, on croit voir ses yeux se durcir pour mieux contenir la colère ou l’émotion. C’est idiot mais on a envie de lui dire « on n’est pas français ! ». Les conditions de vie des concubines,  la mégalo des rois, le pouvoir mandarin partagé entre la France et la famille royale, les rituels religieux autour de la mort,…notre curiosité est insatiable. Le soir, on traverse la rivière des parfums qui sépare Hué en deux. Du pont, on aperçoit des dizaines de bougies dérivant sur l’eau… Distraction touristique certes, mais qui ne manque pas de charme. Hué est réputée pour sa gastronomie. Assis sur des chaises en plastique sur le trottoir, on goûte donc aux ban xéo (crêpes aux crevettes), aux rouleaux de printemps, aux crêpes de riz fourrées, un délice ! Il est temps d’aller dormir, demain debout à l’aube, direction Hoi An !

9 décembre – La baie d’Halong ou arnaque-city ?

Le vietnamien, arnaqueur renommé ? Je regrette de nourrir les stéréotypes, mais… Des faux compteurs dans les faux taxis, des services vendus qui n’existent pas, un max de prix « spécial novice », des chambres « très calmes » super bruyantes,… Les mini-arnaques sont partout, c’est un peu dommage et puis compréhensible en même temps, soit.
Vous vous souvenez du Machu Picchu ? Très beau mais gâché par le tourisme ? Et bien, la baie d’Halong, c’est un peu la même histoire. Déjà que le taxi nous avait royalement arnaqués, déjà que 20 personnes s’étaient jetées sur nous en hurlant pour nous emmener de force vers leurs hôtels… Mais il y a mieux. Voyageurs indépendants et à petit budget, on évite toutes les formules commerciales (via les innombrables agences d’Hanoi et puis d’Halong), pour acheter nous-mêmes notre ticket directement aux bureaux officiels de l’embarcadère (vu leurs têtes, ça ne doit pas arriver souvent). Mais la filière officielle n’était pas un meilleur choix. On fait une croisière de 6h où sur les 4 sites à visiter on en voit seulement 2 et pas les meilleurs, où on nous demande 20$ supplémentaires (une petite fortune ici!) pour un tour en barque, où on perd notre temps dans un marché, et où on est immobilisés pendant que d’autres gens lunchent.  La baie d’Halong est magnifique mais l’ambiance est maussade. Points positifs, rencontre avec un couple chinois très sympa, temps clément et quasi solitude sur le pont du bateau. Je pense que, si on y met le prix, c’est tout à fait possible de trouver une bonne agence et de passer un fabuleux moment. Mais le visiteur est pris en otage, obligé de payer beaucoup plus cher que les prix officiels. La baie d’Halong étant réputée pour ses arnaques, on décide de se plaindre. C’est de là que démarre le changement non ? L’employé, debout devant un panneau où les 4 sites de notre croisière sont détaillés, nous répète « non, non, il n’y avait que 2 sites à voir sur cette croisière »… Après ¼ d’heure de discussion, on propose d’écrire un courrier aux responsables sous les yeux perplexes des guichetiers.  Ici, contester ne se fait tout simplement pas ?

Au moins, on aura pris l’apéro sur une plage déserte à la beauté mélancolique. Demain, c’est décidé, on s’enfuit de cet endroit ! Direction Hué.

7 décembre – Hanoï, la tapageuse

Engloutis par la tornade Hanoï dès les premières secondes, nous profitons d’un transfert de la gare au centre en tuk-tuk pour nous imprégner du décor. Des hordes de mobylettes rugissantes bondissent à chaque carrefour et s’élancent en tous sens sans hésitation mais sans heurt. L’énergie est à son comble, dans le bruit, le mouvement, la lumière. Au milieu du fouillis d’enseignes clignotantes désormais familières, on retrouve quelques noms venus d’ailleurs : KFC, Vuiton, Cartier, Hilton… Drôles de contrastes. Immédiatement, on adopte cette ville et sa frénésie, on aime ! Un obstacle de taille cependant : le trafic ! Ici, on calcule le nombre de rues à traverser avant d’atteindre un endroit pour voir si ça en vaut la peine… Même quand on marche le long d’une rue (les trottoirs servant de parking aux mobylettes), on craint de se faire écraser les pieds ou bousculer par une mobylette. Pas question de flâner le nez en l'air, on slalome, on sprinte, on esquive, on bondit et on ouvre l'oeil !

Heureusement, Hanoi peut compter sur l’eau (plusieurs lacs et le fleuve rouge) pour conserver quelques espaces de calme relatif. Tiens, vision familière: une cathédrale. Etrange contraste entre le bâtiment et son contexte. Nous retrouvons un autre élément de chez nous : le pain !  Jeudi, visite du pont Long Bien bombardé pendant la guerre, offrant des vues à part sur la ville et le fleuve rouge. Découverte du vieux quartier des 36 rues (rues étroites et touffues, anciennement rues par métier, maisons en tube de 3 m de façade maximum) et du grand marché. Visite du musée de la révolution : parcours d’Ho Chi Minh & autres personnages du mouvement communiste, copies de journaux propagandistes, photos de guerre… Le plein d’infos très intéressantes mais pas tout à fait impartiales… parfois même cocasses ! Vendredi, ouf St-Nicolas nous a retrouvés ;-), je dévore du massepain et Alex des Sugus ! Balade dans le nouveau Hanoï. Un tout autre univers puisque les Français y ont détruit l’urbanisme local pour construire de larges avenues. On passe d’un univers asiatique étréci, surchargé, aux grands espaces éthérés et aérés par des parcs. On s’offre une noix de coco avant d’aller visiter la « maison centrale », prison construite par les français et utilisée ensuite pour détenir les pilotes américains. Ici, même topo, super intéressant mais… à les croire, on penserait que les vietnamiens enfermés par les français y ont vécu en enfer tandis que les pilotes américains détenus par les vietnamiens passaient des vacances chez les bisounours! On fait le tri. Balade au lac de l’Ouest, immersion dans la sérénité d’une pagode, échanges avec les passants communicatifs, petit tour en cyclo-pousse, et ça repart direction Halong.

A l’ombre des deadlines de fin d’année, le Vietnam a filé bien trop vite. A peine le temps de découvrir Hoi An, adorable petite ville ancienne et de faire trempette dans la mer de Chine. A peine le temps de découvrir des tours Cham et de prendre un bain de boue avant de s’enfuir de Nha Trang, station balnéaire impersonnelle et peuplée de Russes. A peine le temps de voguer sur les eaux passionnantes du delta du Mékong, d’y goûter des saveurs inconnues, de se laisser fasciner par cet univers de vie singulier. A peine le temps de fêter Noël à la Vietnamienne et de sentir battre le pouls intense de Saigon. A peine le temps de passer deux jours sur les plages de Vung Tau, avec, devant : la mer déchaînée, magnifique, derrière le dépotoir et les chantiers… Que demain déjà, nous nous envolons pour notre escale à Dubai. Que, déjà, nos trois mois de vie asiatique se terminent, que, déjà, nous sommes partis depuis 6 mois, que, déjà, Cosmose amorce la transition vers sa deuxième étape « posée »…

Chassons les parfums de nostalgie qui traînent dans nos pensées car demain, l’aventure continue, demain nous volons vers de nouveaux univers ! Dubai pour un nouvel an exceptionnel, et puis, enfin, l’Afrique, nos hôtes généreux, Gaëtan & Sarah, et nos visiteurs tant attendus, Liliane, Tony & Barbara ! Une année 2014 qui commence idéalement :-).

On en profite pour vous souhaiter d’excellentes fêtes, ces moments où l’on pense à vous encore un peu plus que d’habitude. Et, surtout, une année 2014 pendant laquelle vous vous donnerez les moyens de vivre vos rêves ! Bon réveillon! Bisous à tous

28 décembre – Christmas in Saigon...

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